“Que le CIVR reste le garant de notre identité roussillonnaise”

La semaine prochaine, le Conseil interprofessionnel des vins du Roussillon se dote d’une nouvelle équipe dirigeante. Au terme de son mandat, Philippe Bourrier dresse un premier bilan.

Philippe Bourrier, comment s’est déroulé votre mandat ?
Il y eut trois phases. Une première année sans directeur et avec une équipe CIVR qui a montré son envie et son savoir-faire en répondant aux sollicitations, notamment l’opération Terroirs et Millésimes. La deuxième année a été marquée par “Perpignan ville européenne du vin”, titre obtenu grâce à la Commende Majeure. Nous aurions sans doute dû mieux en profiter mais cela a apporté de la reconnaissance aux vins du Roussillon et le concours Grenaches du monde à Perpignan a été de haute volée avec une forte présence d’importateurs. La troisième année est celle de la Covid-19 et ses conséquences économiques : je note que notre intervention auprès de la Région a permis à tous les opérateurs de déposer un dossier d’aide sur la commercialisation. Les chiffres montrent que c’était la bonne voie.

Que retiendrez-vous de ces trois années ?
La transparence et la participation de toutes les familles aux décisions. Nous sommes parvenus à mettre en forme les rapports économiques pour qu’ils soient fiables, clairs, compréhensibles et accessibles à tous au même moment. Ce qui était important pour moi. Je remercie la commission “Économie” de l’avoir fait dès le début de mon mandat. Nous sommes aussi parvenus à remettre la filière au centre du triptyque “Gastronomie, Patrimoine et Culture” et renouer avec des partenaires, la restauration, les cavistes, le tourisme, les institutions locales, que nous n’aurions jamais dû laisser de côté pour continuer à “être forts chez nous.”
Je suis aussi satisfait de ce que nous avons mené pour l’export. Je reste convaincu que c’est la planche de salut pour les vins du Roussillon sous la houlette de l’équipe d’Éric Aracil qui emmène tous, je dis bien, tous, les opérateurs dans son sillage. Enfin il y a notre nouvelle marque “Les Roussillon sont là” dont le déploiement et l’utilisation massive par tous préservera notre identité, ainsi que le plan de relance Occitanie dont le succès montre que les opérateurs croient en l’avenir et se démènent pour rebondir commercialement.

Des regrets ?
Oui, évidemment. Celui de ne pas avoir réussi à convaincre tous les acteurs que le Roussillon ne s’en sortira que par la qualité et la valorisation. Nous devons être fiers de nos vins et parce qu’ils représentent moins de 2 % de la production nationale et avec des rendements faibles, ce sont des vins de niche. Nous avons besoin de locomotives et nous les avons, je peux en citer une quinzaine. Au Sud, Romuald Peronne, Charles Perez, Deprade Jorda, Sol Payre, Jaubert, Lafage ou Terrassous, sont capables de faire des émules. Au Nord, les Cases, Bizeul, Gauby, Gardies, Les Vignerons de Cases de Pêne, ceux de Trémoine ou de la cave de Maury ou encore Calvet, les Battle au Mas de Lavail, le Mas Amiel, sont remarquables et remarqués ! Nous ne les sollicitons pas, nous ne les mettons pas assez en avant donc ils ne peuvent pas jouer leur rôle et tirer nos vins vers le haut en entraînant les autres. C’est dommage et encore incompris, au lieu de cela, nous baignons dans un individualisme et une jalousie malsains.

Et les muscats ?
Je regrette aussi que nous n’ayons pas pu avancer plus sur le muscat. Malheureusement, lorsque vous avez des idées différentes, on vous taxe de clivant alors que vous voulez simplement faire avancer sans forcément supprimer ce qui existe et qui marche pour certains. Il faudrait se souvenir que préparer l’avenir, c’est avoir un coup d’avance… Enfin, un dernier regret : ne pas être parvenu à mettre en place un véritable observatoire économique des ventes “bouteilles”  pour connaître le vrai prix des vins du Roussillon tous marchés confondus. La vente directe sous toutes ses formes reste la grande absente des reporting et c’est bien dommage.

Et pour l’avenir ?
Je souhaite que le CIVR continue à construire avec une équipe soudée autour d’Anne-Laure Pellet, sa directrice, dont je salue le travail et l’implication. Que le CIVR ait les moyens de le faire, qu’il soit aussi le garant de notre identité “Roussillon”, en particulier s’il doit y avoir un rapprochement avec d’autres interprofessions. Il faudra aussi que nous soyons capables de revoir nos statuts qui ont montré leurs limites et ne sont plus adaptés, il n’y a pas de possibilité de vote par correspondance, les instances ne reflètent plus la réalité du poids de chaque famille, il n’y a pas les garde-fous nécessaires à ce type de structures…

Propos recueillis par Yann Kerveno

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