Masques en tissu : les couturières ont décidé “d’en découdre” ! [par Thierry Masdéu]

Alors qu’elles furent sollicitées pour fabriquer sans compter au printemps dernier, les couturières, suite aux récentes annonces du gouvernement, dénoncent une forme de mépris à l’égard de leur travail et d’un savoir faire qui répondait aux protocoles et aux agréments requis.

À un mois et une semaine de la date anniversaire du premier confinement, il serait opportun de faire, si j’ose dire, une piqûre de rappel “historique” sur l’accessoire qui aujourd’hui, bien malgré nous, est devenu notre quotidien de protection envers nos semblables : le masque. Rappelez-vous, les peu de stocks disponibles en chirurgicaux, FFP2, FFP3 sans valve respiratoire et non périmés, étaient réquisitionnés tant bien que mal pour le milieu médical. Et la population à qui la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, déclarait en mars 2020 que la généralisation du port du masque n’était pas nécessaire, voire même contre-productive, a dû se rabattre sur la confection “maison” de masques en tissu, s’inspirant de tutoriels vidéos postés sur les réseaux sociaux.
Mensonges d’État ou pirouette politique pour certains, inexpérience ou maladresse de communication pour d’autres, la parution, début décembre 2020, des conclusions de “la mission d’information” de l’Assemblée nationale “relative à l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Coronavirus-Covid 19”, a démontré les lacunes évidentes de la France en matière de gestion épidémiologique. D’ailleurs au grand dam de l’opposition, cette “mission d’information” qui devait se poursuivre sans une date de fin programmée, a été dissoute le 27 janvier dernier par la majorité LREM. Toujours est-il que les déclarations imprécises ou mal jaugées, émises par les instances de l’exécutif apportent souvent leurs lots de confusions et d’incompréhensions auprès du grand public et chez les professionnels. Un des cas mis à l’amende le 21 janvier dernier par le Haut conseil de la santé publique (HCSP) et soutenu par le ministre de la Santé, Olivier Véran, concerne la recommandation de ne plus utiliser des masques en tissu, dit de “catégorie 2”. Cette consigne, qui n’a rien d’anecdotique dans ce flot discontinu d’informations sur les vaccins et variants du virus, a semé l’émoi sur toute une profession artisanale, les couturières. “Cette annonce a jeté le discrédit sur les efforts, la qualité et responsabilisation professionnelle de nos couturières !” Tempête Meriem Ramoul, présidente du syndicat de la couture des P.-O.

Une cadence de 1 000 masques par jour…

“Rapidement cela a semé le doute chez nos clients qui ont vite fait l’amalgame entre nos masques tissus et les proscrits de la catégorie 2. Alors que nos produits sont réalisés en tissu popeline 100 % coton, au tissage très serré à 58 ou 120 fils, avec une matière polyester à l’intérieur et garantissent une excellente filtration !” Ce protocole de fabrication, établi par des infectiologues du CHU de Grenoble en collaboration avec des couturières, a permis à bon nombre d’entre-elles, comme à Meriem, d’obtenir l’agrément “catégorie 1” délivré par la direction générale de l’armement.
Exaspérées par ce retournement de considération, Meriem, sa fille Leïla et sa collaboratrice Mariam, qui exercent leur passion à “L’Atelier Couture de Mina” à Ille sur Têt, souhaitent rappeler qu’au plus fort de la crise, durant le premier confinement, l’ensemble des couturières du département ont bien répondu présentes pour subvenir à la pénurie de masques. “Heureusement que nous étions sur le pont pour aider les gens à se protéger. Dans notre cas, nous nous sommes regroupées avec 5 autres ateliers de couture, un autre sur Ille, un à Corbère, à Tresserres, Bages et Corneilla de la Rivière. Ensemble nous avons pu fournir une cadence de 900 à 1 000 masques par jour pour les services de secours, comme les pompiers, les EHPAD, les centres de santé comme celui de Prades, les agents du Conseil départemental et certaines communes !”
Aujourd’hui que les masques de protections papiers abondent sur les rayons des grandes surfaces et pharmacies, la demande de masques en tissu à fortement périclité. Une situation déconcertante que dénonce la présidente du syndicat : “On ne comprend pas, alors que nos masques sont agréés, lavables et réutilisables plusieurs fois, tout semble favoriser l’industrie du masque papier, alors que son côté jetable accentue la pollution et le gaspillage de la ressource de la planète. Même la nouvelle réglementation du ministère du Travail, qui impose aux entreprises de prendre en charge le lavage ou à défaut les frais d’entretien des masques tissu mis à disposition du personnel, incite les employeurs à investir sur des masques papier !” Tout comme le personnel de santé à qui la population rendait hommage tous les soirs à 20 h 00 depuis leurs fenêtres, ces couturières, cheville ouvrière de l’artisanat ont su s’engager et déployer en plein confinement une activité de production quasi industrielle de masques pour répondre à l’urgence et servir l’intérêt général. Ne les oublions pas…

Contacts :
Syndicat de la couture des P.-O. :
04 68 34 59 34
L’Atelier couture de Mina :
06 42 84 75 41
https://www.latelier-couture-mina.com/

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