Lettre à mon père qui n’aurait pas supporté cette époque ! (Par Jean-Paul Pelras)

Tu étais ouvrier agricole. À onze ans, tu labourais déjà avec un cheval. À 80, tu descendais de ton dernier tracteur. Et, voici quelques années, alors que tu venais de souffler tes 91 bougies, tu partis pour trop longtemps de l’autre côté du chronomètre. Ne connaissant pas ta nouvelle adresse, je ne t’écris pas souvent. Le vent, le chant des oiseaux et la course des étoiles étant mieux qualifiés que moi pour te donner des nouvelles du monde. Mais aujourd’hui et peut-être car j’aimerais pouvoir compter encore un peu sur toi, je viens te parler de ce monde qui, justement, n’y est plus tout à fait.
Nous voilà pilotés par quelques jeunes godelureaux qui font fureur dans la maladresse et le mépris, qui croient savoir ce qui est bien pour nous, car ils savent avant tout ce qui est bien pour eux. Depuis le mois de mars nous avançons, un masque plaqué sur le visage. Pendant 6 mois les enfants ne sont pas allés à l’école. D’ailleurs, en parlant d’école, ceux de ta génération faisaient moins de fautes et savaient mieux compter avec un simple certificat d’études que la plupart de nos bacheliers.
Que je te dise aussi, parce que certains font déjà semblant de l’oublier, au début de l’été, quelques élus zélés avaient installé des corridors sur le sable pour que nous puissions aller voir la mer. Oui, oui, tu peux me croire, nous n’avions même plus le droit d’aller voir la mer, ni la montagne d’ailleurs ! Et puis, plus rien, peut-être parce que les échevins de faction à Lutèce avaient compris qu’il ne fallait pas pousser le bouchon trop loin.
Avant cela, ils nous ont aussi interdit de rendre visite à nos anciens dans les maisons de retraite où beaucoup sont morts sans avoir vu une dernière fois leurs épouses, leurs maris, leurs enfants. Il était interdit de marcher dans la rue, de nous déplacer d’un village à l’autre, d’aller débusquer la morille dans le bois d’à côté, pas moyen de se faire couper les cheveux, le coiffeur avait baissé son rideau, plus de dentiste, idem pour les rendez-vous médicaux. Les mariages aussi étaient interdits, aux enterrements pas plus de 10 personnes. “Interdit” : je répète souvent ce mot parce que, désormais, ici, c’est le plus couramment employé.
Pour aller chez le boucher, chez l’épicier, “faire de l’essence” ou se dégourdir les mollets, il fallait se munir d’un laisser passer. Un bout de papier contrôlé par les gardes du cardinal de service que l’on nous obligeait à remplir nous-même, c’est dire le degré de soumission. Avec, comme en temps de guerre, çà et là, planqués derrière les volets, le relent des délations.
Interdit de nous rassembler, interdit de danser, il n’y a pas eu de bal au village cet été. Interdit de jouer aux boules, au ballon, au loto dans la salle des fêtes, à la belote dans les bistrots. De toutes façons les bistrots étaient fermés et, d’ici quelques temps, ils le seront peut-être à nouveau. Figure-toi qu’ils envisagent même de nous prendre la fièvre à l’entrée des restaurants.
Tous les soirs, à la télévision, nous devons écouter la parole des savants. C’est comme ça, on ne nous demande plus notre avis. Sauf, parce que ça c’est important et qu’il faut bien nous occuper, pour voter par téléphone et désigner celui qui aura le mieux chanté dans les émissions de téléréalité. D’ailleurs, à la télé, il n’y a plus que des séries policières, ça tire de tous les côtés, des meurtres en veux-tu en voilà. Tu sais même plus si c’est les informations ou du cinéma.

Je te jure, ce ne sont pas des conneries…
J’ai entendu dire aussi qu’il n’y aurait bientôt plus de pièces ni de billets, seulement des instructions sur des boites vocales et des chiffres sur des écrans d’ordinateurs. L’argent, c’est trop sale. Même avec ça, ils arrivent à nous faire peur pour mieux contrôler nos économies.
Je te jure, ce ne sont pas des conneries. Arrête de rigoler, tout est vrai. Et attends, tu vas voir ce que nous réservent les “forces de progrès”. Si tu revenais, tu ne reconnaîtrais pas ces garrigues où tu taillais la vigne entre deux bourrasques de tramontane gelée. Là-haut, les écolos ont planté leurs grands tourniquets blancs pour brasser du vent aussi futile que leurs idées. Et des idées, ils n’en manquent pas. Tiens, récemment l’un d’entre eux a supprimé le sapin de Noël, une autre veut “éliminer” les hommes, certains veulent interdire le Tour de France. D’ailleurs cette année il a eu lieu en septembre, sans demoiselles pour embrasser le champion. De toutes façons, on ne s’embrasse plus, on ne se serre plus la main. Pendant ce temps, dans les villes, les vandales (ce mot me vaudra peut-être un procès…) continuent de tout péter. Dans les campagnes, d’autres abrutis crèvent les yeux des chevaux, leur coupent les oreilles, massacrent les génisses, éventrent les petits veaux. Un peu partout, les églises flambent, mais il ne faut pas en parler. Des détraqués s’en prennent à la République, mais il n’est pas certain qu’ils le fassent exprès.
Bientôt nous ne pourrons plus rouler en voiture. Pour désherber, même sur les coteaux il va falloir reprendre la pioche. Un philosophe, qui sait certainement ce que travailler veut dire, préconise d’arrêter l’utilisation des moteurs pour avoir recours à l’énergie musculaire “animale ou humaine”. Ils sont allés chercher des ours dans les Carpates pour les installer dans les Alpes et les Pyrénées. Ils protègent les loups pendant que les troupeaux sont décimés. Et ils tirent des citoyens au sort pour imaginer le futur de nos paysans. Parce que ceux-là ont une “opinion”, tu comprends. Ils ont des idées. Même si certains ne savent pas faire la différence entre une aubergine et un navet.
Les chasseurs aussi en prennent plein la gueule, les cirques n’auront bientôt plus d’animaux. Et, tiens-toi bien, parce que celle-là il fallait la trouver, la viande sera remplacée par des steaks végétaux fabriqués dans des labos.
Comment expliquer ça à un gars comme toi qui descendais les rangées de vigne avec un sac de 50 kilos d’engrais coincé sous chaque bras, qui célébrait l’entrecôte et honorait le gigot, qui n’étais même pas rassasié après une centaine d’escargots ? Toi l’épicurien qui me conseilla un jour, alors que je sillonnais une parcelle longtemps restée en friche, de changer de sens parce que je ne suivais pas la bonne pente. Celle que l’eau devait emprunter naturellement. Celle que seuls les anciens connaissaient et que l’on ne pouvait distinguer à l’œil nu.
Parce qu’il en va, je le crois, de l’eau et du cours des rivières comme de celui de l’histoire. Si nous perdons les repères, si nous oublions la réalité, si nous ne transmettons pas le savoir avec cette part consubstantielle de sensibilité qui demeure la part la plus profonde de l’homme, les sources vont se tarir. Et les chemins qui sont parfois ceux de nos libertés, risquent de se refermer sur la misère et le chaos.
Allez Papa, je te laisse. Et surtout ne regrette rien. Ici-bas, Mad Max est en train de remplacer Don Camillo !

24 réflexions sur “Lettre à mon père qui n’aurait pas supporté cette époque ! (Par Jean-Paul Pelras)

  • 7 octobre 2020 à 17 h 52 min
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    J ai 85 ans et je suis tout à fait d accord avec la lettre à mon père. On nous prend pour des demeurés, tous ces jeunes cons qui donnent des leçons et qui n’ont rien vus. Une abberation complète. Le vieux bosco Jean. A bientôt.

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    • 8 octobre 2020 à 10 h 09 min
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      Texte assez incroyable de par sa partialité. Les citoyens tirés au sort ou les élus discutent de problèmes dont ils n’ont pas connaissance. Mais connaissez-vous l’ensemble des problématiques liées au Coronavirus, à la baisse du niveau scolaire, à la numérisation de la monnaie, aux énergies renouvelables, à l’égalité femme-homme, à la délinquance, à l’écologie, à la diversité de la faune animale ? Autrement dit, connaissez vous réellement tout ce dont vous parlez ?
      Si oui, je m’étonne d’autant de partialité, il n’y a pas la moindre présence d’une petite nuance, ne serait-ce que pour appuyer votre argumentation.
      Ceci étant dit, je reconnais la beauté de votre lettre, très agréable à lire.

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      • 8 octobre 2020 à 12 h 33 min
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        Tout à fait d’accord, on vit une période de doute de peur pour mieux manipuler, les esprits. Comme ça plus de manifestations, mais plus de violences, de vols…

      • 8 octobre 2020 à 13 h 45 min
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        Mr. Marchand,
        enlevez vos œillères et regardez la réalité en face; ce texte (magnifique de vérité) est totalement adapté et compréhensible, surtout pour les Ruraux qui ont la Mémoire basée sur leur vécu.
        Respect et félicitations à l’Auteur.

      • 12 octobre 2020 à 8 h 02 min
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        Bravo pour l’auteur de ce texte , très bien écrit et très juste . Le ton désabusé reflète bien l’abstention aux urnes , n’en déplaise à ceux qui aiment qu’on leur jette de la poudre aux yeux . Voir ci-dessus .
        Je transmets à tous ceux qui ne se laissent pas berner par ces arrogants qui essaient de gouverner le plus souvent en bafouillant et en trébuchant.

      • 25 novembre 2020 à 12 h 03 min
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        quelle partialité? Tout ce qui est décrit dans cette lettre est factuel…

    • 8 octobre 2020 à 14 h 30 min
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      merci d avoir certainement participé malgre vous au changement climatique et a l eclosion de politiques de plus en plus con et malgre cela de continuer a vous etonner de ce qui arrive. l auteur peux eyre englobé dans cette réponse …lui qui n en donne que très tres rarement….surement trop occupé a a rejetter tout ce qui ne rentre pas dans le moule trop etroit qu il a construit pour ses modeles. heureusement, heureusement meme di l on est pas d’accord avec lui on prend toujours du plaisir a le lire.

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    • 8 octobre 2020 à 14 h 51 min
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      Bonjour à tous
      Quelle mettre merveilleuse et tellement vrai !!! J aurais aimé l ectire à mon grand-père qui lui aussi était de la terre.😍
      Ce nouveau monde me fait peur et m inquiete énormément. Où allons nous? Que va devenir notre pays et cette terre?

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    • 8 octobre 2020 à 22 h 00 min
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      D accord avec vous , même si je n ai que 66 ans
      Fils de paysan aveyronnais parti à la ville , mon petit coin d Aveyron est devenu un petit conservatoire d espèces anciennes de prunes , de vigne , de pêches de vigne
      Ras le bol de tous ces beaux parleurs soi disant instruits.
      Des ânes diplômés

      Je ne suis pas jaloux , j ai 2 Bac plus 5

      Najac Aveyron , Occitanie FRANCE

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  • 7 octobre 2020 à 18 h 26 min
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    Je n aurais pas pu dire mieux que cela
    Je vous félicite pour avoir dit la vérité sur notre monde de fou

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  • 7 octobre 2020 à 20 h 05 min
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    Tout y est,c’est superbe et si triste en même temps.
    Quelle belle lettre à un papa qui,s’il revenait,aurait au moins la satisfaction de se dire que son enfant a bien compris la beauté de la vie et qu’il a l’humour pour supporter, parfois,l’insupportable.

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  • 7 octobre 2020 à 20 h 10 min
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    Lettre a mon père , bravo pour ce récit . Il est tellement vrai , nous vivons une génèration épouvantable et nos anciens étaient plus heureux que nous , j ai une pensée pour ce Monsieur et également pour mes grands parents que j ’embrasse . Bravo encore pour ce texte …

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  • 8 octobre 2020 à 20 h 43 min
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    Merci pour cette lettre, mes yeux ont pleuré, ca remue les tripes. Merci pourtoutes ces vérités. Je l ai partager. Nos parents travaillaient dur mais etait humain. 💖🌹💖

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  • 10 octobre 2020 à 17 h 47 min
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    Moi aussi j’ai pleuré en lisant cette belle lettre… mon père dernier paysan d’une famille ardéchoise nous a quittés il y a deux ans. Il avait 94 ans .
    Sa sagesse me manque cruellement dans cette période troublée.
    J’ai bien du mal à répondre quand les plus petits de mes petits-enfants me demandent “Papy ! quand est-ce qu’on pourra se faire la bise…?” et je ne sais si je peux leur dire que ce sera mieux demain ! et quand j’essaies de savoir ce que veulent faire les plus grands dans la vie….”influenceur”,”blogueur”, …… j’ai souvent l’impression que le monde marche sur la tête…. Tous les repères que nos anciens nous ont appris volent en éclats.

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  • 12 octobre 2020 à 9 h 57 min
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    Oui, bravo et merci pour cette très belle lettre !
    Agriculteur sur 30ha de “petites terres”, je regrette juste que soient dénigrés la permaculture, le désherbage manuel et la traction animale. J’ai toujours pensé qu’il valait mieux faire travailler l’être humain à des tâches manuelles que de l’enfermer dans des banlieues sordides… Et, recevant des wwoofeurs depuis quelques mois (https://wwoof.fr/host/6975-La-Croix-de-Thary), j’observe le plaisir qu’ont les citadins a redécouvrir la matière, la fatigue physique et le sens des choses.
    Bref, je dois être plus optimiste que l’auteur : oui, on va dans le mur, mais s’il semble trop tard pour résister à l’effondrement, il n’en demeure pas moins qu’il est encore temps de préparer “le monde d’après”, notamment en retrouvant les gestes ancestraux et la sagesse de nos anciens…

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  • 12 octobre 2020 à 18 h 14 min
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    Hélas c’est un temps à tout jamais révolu. Le drame réside dans le fait que l’on ne peut même pas tenter de convaincre cette jeunesse qui ne voit la vie que par son smartphone et ces danses de zoulous; je n’évoque même pas cette nouvelle musique et ses paroles.
    Il ne nous reste à nous “vieux croutons” que nos merveilleux souvenirs que nous tentons de transmettre à nos enfants et petits enfants dont certains, fort heureusement, nous demandent “dis papy comment que c’était avant?”

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  • 13 octobre 2020 à 19 h 27 min
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    Très beau texte, plein de nostalgie, qui reflète bien les mentalités d’autrefois, car notre époque va trop vite et n’importe comment…Le Coronavirus nous a complètement déboussolés et chamboulé notre façon de vivre …Difficile d’être brimés de la sorte et de perdre notre liberté d’action !….On a oublié les épidémies d’autrefois ( grippe espagnole …) et les maladies autrefois incurables ( tuberculose, variole, typhoïde…)qui grâce aux vaccins nous permettent de vivre plus vieux.
    J’aime beaucoup cette lettre qui deviendra un témoignage du passé….

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  • 25 novembre 2020 à 10 h 01 min
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    Merci Jean-Paul,
    Je transmettrai ce billet ce soir avant de dormir à mon “papa” qui lui aussi m’a quitté depuis de nombreuses années et qui lui aussi s’est retrouvé seul à la vigne pour nourrir une famille de huit personnes. Quand on a eu la chance de vivre au cotés d’un tel être emprunt d’une morale aussi stricte, on accepte mal d’être conditionné et jugés par des carriéristes formés par la mémoire des ordinateurs.

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  • 1 décembre 2020 à 11 h 45 min
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    Bonjour,
    Je suis un jeune vieux de 76 ans et j’ai connu tout ce que vous dites si bien. C’est vrai que les enfants d’alors savaient calculer.
    A tous ceux d’en haut qui clament tout savoir, je pose cette devinette toute simple :
    – d’un côté on a des dizaines de catastrophes naturelles où des régions entières sont inondées
    – d’un autre côté, on a d’autres régions voisines, qui subissent de grosses sécheresses
    – et d’un autre côté on a le niveau des mers qui monte.
    Ça vous fait tilt? Une idée simple évidente :
    – prélever de l’eau des rivières pour la mettre dans des bassins de rétention, non seulement pour parer aux crues, mais aussi avoir des réserves dans les zones en sécheresse, ou encore, comme dans certains barrages où l’on fait remonter de l’eau la nuit pour s’en servir le lendemain, on pourrait remonter cette eau jusque dans les hautes montagnes, et la pulvériser en neige dans les cirques glaciaires ; d’une pierre trois coups, cela régénérerait les glaciers et stockerait de l’énergie et diminuerait la montée des mers!
    J’ai soumis cette idée évidente à une dizaine de personnes haut placées, aucune réponse ; stocker de l’eau pure alors qu’il coûte cher de désaliniser l’eau de mer, n’est-ce pas intéressant? Il y a un moine qui fait ça dans l’Himalaya.
    Bon courage et bonne vie à tous les grands-parents et aux jeunes.

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  • 13 décembre 2020 à 6 h 42 min
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    Bonjour,
    Beau texte, pas beau texte… ce ne sont que des mots mis les uns à côté des autres. Des mots qui se veulent « justes », « sensibles », qui se croient vrais, qui évoquent un « c’était mieux avant », « ça sera pire après ». Des mots qui accusent les autres, c’est tellement plus simple. Tellement plus simple que regarder ce qu’il y a à l’intérieur de nous. Rien ne se construit tout seul, chaque individu y participe avec ses croyances, ses peurs, ses colères, ses formations ou déformations…
    A ce moment, à cette époque, comme aux autres, il pourrait être recommandé de lire ou relire « se libérer du connu » de Krishnamurti. Ça fait du bien de savoir que chaque être humain est le problème et la solution et que chercher les responsabilités (pas les « fautes ») ailleurs que chez soi, risque d’être une perte d’énergie vitale.
    Belle journée.

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  • 20 décembre 2020 à 23 h 05 min
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    Merci Jean Paul pour ce texte tellement authentique
    Joyeux Noël et Bonne Année

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  • 6 mars 2021 à 19 h 24 min
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    20/20 pour cette lettre magnifiques que nous aimerions tous pouvoir écrire avec tant de justesse et de talent.
    Dans une période difficile, cela fait du bien de vous lire.
    Bravo

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