Les bouteilles consignées (Par Jean-Paul Pelras)

« Va me chercher une bouteille de lait chez Pierrot à l’épicerie et penses à prendre la consigne » Une phrase qui n’a plus cours depuis la fin des années 70 car  les bouteilles en verre, sauf dans le milieu de la restauration, ne sont plus réutilisées. Le « récup-verre » placé à la sortie du village, où nous allons, bien disciplinés,  jeter cannetes et autres chopines, semble avoir définitivement remplacé le casier rangé sous l’escalier. Ces casiers multicolores qui encombrent encore l’arrière-cour des bistrots de province entre les latrines à la turque et la petite terrasse où quelques parasols estivaux vantent les mérites d’un soda bien secoué et ceux d’un non moins célèbre  esquimau.  La bouteille donc, de vin (trois étoiles), de lait, de bière ou d’eau minérale que l’on rapportait au bistrot ou à l’épicerie moyennant quelques centimes de francs. Ceux qui bien souvent finissaient dans la tirelire et servaient quelques années plus tard à acheter le « mélange » pour la mobylette. Alors, forcément, l’on se souvient de la grand-mère qui sortait du buffet en formica un verre Duralex à huit cotés. Là, vous attendiez qu’elle applique ses pouces usés sur le mécanisme en fil de fer galvanisé, autour du bouchon de porcelaine et de la frise en caoutchouc, pour libérer le « pschitt » tant attendu. Celui de cette eau gazeuse citronnée que l’on vous offrait les jours de kermesse, à l’heure de la pause pendant les foins. Ou, au bord de ce canal ombragé, quand vos parents allaient pique-niquer avec l’Aronde du grand-père. Celle des congés payés…

Jean-Paul Pelras

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