Le mal est fait !

Voici quelques années, alors que se déroulait une manifestation agricole sur une aire de péage, un arboriculteur, qui venait d’ouvrir les portes d’un camion espagnol transportant pêches et nectarines en provenance d’Andalousie, me demandait qu’elle serait la différence, concernant le traitement journalistique, si la palette restait à sa place au cul du poids lourd ou si elle venait à tomber malencontreusement sur la chaussée. Pour la première occurrence nous aurions réservé à ce simple contrôle une chandelle en page 5. Pour la seconde et ce qui allait forcément relever de “l’incident diplomatique” la chute eut droit aux honneurs de la “Une”. À l’instar de cette anecdote champêtre, ce que retiennent les médias des évènements est souvent proportionnel à la hauteur des flammes et à l’importance des dégâts. L’adage est bien connu : les trains qui arrivent à l’heure n’intéressent personne. Faut-il en déduire que, sans violences, le gouvernement n’aurait jamais reconsidéré ses ardeurs fiscales et que seul ce moyen d’expression est de nature à intimider le pouvoir en place ? Peut-être, sauf qu’il ne faut surtout pas le dire ou l’écrire si l’on ne veut pas que nos propos soit considérés comme étant subversifs ?

La pente du discrédit est celle de l’avanie
L’embrasement du Fouquet’s, haut lieu ignifugé par l’entre-soi lutécien où le café se négocie aux alentours de 8 euros, fut certainement l’acte de trop. Deux France se sont alors levées, l’une pour condamner l’acte pyrotechnique et l’autre pour avouer son indifférence sans, pour autant, jamais reconnaitre qu’elle approuvait les violences. D’où cette confusion, savamment entretenue par quelques penseurs du moment probablement dérangés dans cette quiétude qui, depuis des années, se nourrit sur le dos des idéaux politiques et vient d’être court-circuitée par des exigences “bassement” économiques. Des exigences qui concernent le caddie du supermarché ou le filet à provision de la superette. Autrement dit, le quotidien de ces Français qui ne méritent pas d’être assimilés à des casseurs. Qu’ils aient ou non endossé le gilet jaune, la pente du discrédit sur laquelle le gouvernement veut les entrainer est celle de l’avanie.
Reste cette question : à qui va bénéficier la fin du mouvement ? Au gouvernement, qui pourra reprendre le train de l’inexpérience, des maladresses et des provocations ? Ou aux braises d’une insurrection latente qui pourrait renaitre d’un incendie bien mal éteint ? Quelque part à l’aune de cette démocratie qui finit tôt ou au tard par avoir raison de l’inconséquence et du mépris de ses souverains. Avec, en embuscade, les extrêmes, bien sûr, qui profitent de l’atomisation des partis et d’un contexte politique pour ainsi dire inédit qui dissout, de facto, les contre-pouvoirs. Sans oublier le monde de la finance qui, à trop vouloir tirer les ficelles, n’a pas vu venir cette implacable réalité : quoi qu’il advienne désormais, le mal est fait !

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