La prochaine PAC inquiète l’élevage des P.-O. [par Yann Kerveno]

L’avenir de l’élevage des Pyrénées-Orientales se joue-t-il avec la prochaine mouture de la PAC ?

Pendant que les tracteurs convergeaient vers Clermont-Ferrand mercredi dernier pour dénoncer les projets de réforme de la PAC, le monde de l’élevage était aussi en action dans les Pyrénées-Orientales. Avec une matinée d’information destinée aux parlementaires et à la presse à Prades, chez Galdric Sola. Parmi les élus, seuls François Calvet et Jean Sol se sont déplacés, les députés étant occupés par la visite d’une ministre au même moment à Perpignan. “Seul Romain Grau s’était fait excuser avant” tenait toutefois à préciser Nathalie Capillaire, directrice de la FDSEA des P.-O.
L’idée de la journée était donc de montrer quel impact pouvait avoir la réforme de la PAC telle qu’elle est envisagée aujourd’hui alors que s’élabore le plan stratégique national (PSN) qui doit être soumis à la Commission à la fin de l’année. Ce plan est d’ailleurs une des grandes nouveautés de cette prochaine PAC, puisqu’il laisse une plus grande latitude aux États pour ventiler les aides en fonction des problématiques qui leur sont propres, à condition qu’ils restent dans le cadre global fixé par la commission et l’ambition du plan Farm To Fork.

Trois scénarios

Pour commencer, Galdric Sola plantait le décor, racontait son installation sur 33 hectares, ses 45 vaches allaitantes, la quarantaine de vêlages par an, les transhumances sur l’estive de la Mouline à Evol, l’autonomie de son exploitation. Il détaillait aussi le produit de son travail, un excédent brut d’exploitation (EBE) de 43 000 euros plus que largement abondé par les aides directes de la PAC pour 48 000 euros. Voilà qui donne corps à cette rengaine souvent entendue, les subventions font le salaire de l’agriculteur dans l’élevage allaitant. La moitié de cet EBE est mobilisée par les annuités et l’autofinancement ce qui permet au jeune éleveur de dégager un revenu de 1 800 euros par mois.
Passons maintenant sa situation à la moulinette de ce qui est annoncé. Trois scénarios ont été retenus. Le premier porte sur le changement de règles pour l’éligibilité des surfaces primables avec une très forte réduction envisagée au soutien des terres les plus pauvres nutritivement, celles qui sont naturellement “les plus nombreuses dans les zones de montagne” comme le rappelait Tony Baurès, président de la Coopérative des éleveurs des Pyrénées-Orientales et vice-président de la Chambre d’agriculture.

Revenu en jeu

Le schéma pour l’instant envisagé supprimerait l’accès aux aides pour la totalité des bois pâturés et la moitié des landes dites “à 35 %”. Soit, pour Galdric, le retrait du dispositif de 43 ha, donc un recul de 55 % des surfaces admissibles, avec en plus un impact sur d’autres aides, droits à paiement de base (DPB) et indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN). La perte s’élève à 5 500 euros et conduirait, pour Gadric, à une baisse de 25 % de son revenu qui s’établirait au niveau du Smic. La deuxième hypothèse travaillée, c’est l’application des orientations de la version de travail du Plan stratégique national, version qui envisage la suppression de 50 % des aides couplées animales et 30 % de l’ICHN. La perte pour Galdric Sola s’élève alors à 10 000 euros, son revenu tombe à 80 % du Smic. Mais il y a pire, avec les enjeux liés à l’éligibilité aux écodispositifs. Avec au cœur, un début de polémique sur la valeur de la haute valeur environnementale (HVE) allumée par le Think Tank IDDRI il y a quelques jours. Si d’aventure, en plus de perdre les soutiens précédents s’ajoutait la perte de l’accès aux écodispositifs, alors Galdric perdrait toute possibilité de générer un revenu de son travail. Et conduirait à l’arrêt de son activité.

L’avenir de la montagne

On le voit, les arbitrages qui seront pris auront un impact sur l’agriculture des Pyrénées-Orientales, mais aussi possible sur les paysages, le risque incendie, l’entretien des montagnes devenues aussi actrices du développement touristique… L’enjeu dépasse largement la question économique des exploitations. Tony Baurès dressait ensuite la liste de ce qu’il conviendrait de faire, le maintien de l’éligibilité des surfaces, de l’ICHN, l’accès aux écodispositifs pour les éleveurs transhumants, le maintien des aides couplées. Mais aussi, parce-que c’est plus spécifique au département, la reconduction des aides structurantes pour les exploitations et un accompagnement financier des estives collectives.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *