La “mise en demeure”

Il en va des correspondances comme de ces feuilles qui tourbillonnent entre deux saisons et finissent dans les caniveaux de l’histoire, car propices à entretenir les clivages, à susciter les divisions, à suggérer les représailles. La lettre que nous avons pu nous procurer sert d’une certaine façon de combustible à ces étranges périodes. Destinée au préfet et aux parlementaires, elle est cosignée par 23 responsables économiques, consulaires ou syndicaux des P.-O. Ou plutôt non, par 22, car le président de l’Union professionnelle artisanale, Robert Massuet, n’a pas cautionné la parafe de celui qui avait signé à sa place sur ce document. Et a donc demandé que l’on retire de cette lettre l’intitulé de l’organisme qu’il préside. Précisons également qu’aucun syndicat agricole n’est associé à la rédaction de ce courrier. Une lettre et 22 signataires que, contexte et tensions obligent, nous ne citerons pas. Il n’en demeure pas moins cette interrogation. Comment peut-on “mettre en demeure” un préfet en lui demandant de “rétablir l’ordre public”. Drôle d’époque en effet que celle-ci où l’on écrit au représentant de l’État pour demander sa protection car “l’économie est menacée”. La réponse du préfet que nous avons pu également nous procurer ne s’est d’ailleurs pas faite attendre : “Par courrier non daté (…) vous m’avez « invité » à venir évoquer avec vous ce vendredi 1er février à 19 heures divers points liés au mouvement social que traverse actuellement le pays et ses impacts sur l’économie locale. Nonobstant la forme particulière de votre lettre et son contenu, je vous indique que je ne suis pas disponible au moment que vous m’avez « fixé », ainsi qu’aux parlementaires du département, ni enclin à répondre à une telle mise en demeure. (…) Aussi je vous propose de vous recevoir en préfecture à une date qui conviendra à chacun (…)”.

Plus facile contre les gilets jaunes que contre les importateurs…
Que l’économie soit menacée dans ce département n’a pourtant rien de bien surprenant et tant qu’à demander la protection des pouvoirs publics ou des “aides directes pour les entreprises”, pourquoi ne pas l’avoir fait plus tôt afin de lutter contre les compétitions intra et extra européennes qui ont ruiné tant de secteur d’activités dans les P.-O. Car l’agression en ce domaine vient certainement moins de l’action des gilets jaunes que des 15 000 camions transitant chaque jour par la frontière franco-espagnole. Sans oublier les centaines de fourgonnettes qui arrivent de Catalogne Sud pour prendre le travail des mains de nos artisans. Car c’est ici que se situe “l’impact catastrophique”, celui qui, depuis des décennies, sert l’importation, dessert notre compétitivité, vide nos campagnes et usurpe nos marchés.

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