Jean-Marie Fabre : “Soyons matures pour définitivement augmenter notre capacité commerciale”

Alors que les vendanges ont débuté dans certaines vignes, le Syndicat des vignerons de l’Aude a organisé une réunion technique la semaine dernière. Leur président, Jean-Marie Fabre, fait le point sur les toutes premières tendances de ce millésime 2017, le pouls du marché, et appelle à la “raison” sur le dossier “Terres du midi”.

L’Agri : Comment s’annonce cette récolte 2017 ?
Jean-Marie Fabre : On est sur un millésime très précoce : sur les blancs, certains ont déjà attaqué leur récolte, beaucoup en sont à la moitié, d’autres l’ont déjà terminée. La maturité est très hétérogène, en raison des épisodes de gel récurrents pendant quinze jours en avril, très localisés. Certaines parcelles ne sont touchées qu’en partie, la récolte est alors un acte chirurgical… C’est l’un des défis à relever cette année.

Quid de la qualité ?
Il s’agit vraisemblablement d’un millésime de qualité. Quantitativement, en revanche, c’est moyen. L’année dernière ayant été très sèche et la plante ayant subi un stress hydrique important, la mise à fruit est modeste. En revanche, les pluies d’hiver et de printemps sur la frange littorale ont permis au végétal de se développer très tôt et à la plante de très bien alimenter son raisin.

L’humidité de ces derniers jours (1) peut-elle induire des complications ?
Comme l’état sanitaire est parfait et que l’on a très peu de pression cryptogamique cette année, il n’y a, à aujourd’hui, pas lieu de s’inquiéter. L’humidité de ces derniers jours permet à la plante de respirer, et peut-être même de lui donner le dernier élan pour finir sa maturité de manière parfaite.
Côté marché, on assiste à une accélération des sorties de la vendange 2016…
Effectivement, ces dernières semaines, beaucoup de vignerons embouteillent plus que d’habitude à cette période. C’est une conséquence de la précocité du millésime 2017, qui impose de faire de la place dans les caves, mais pas seulement : il y a de la demande. On assiste aussi à une augmentation de la demande concernant le vrac. Certains opérateurs ne se sont pas couverts. Or quand on regarde les équilibres mondiaux rien ne laisse supposer qu’il puisse y avoir des soucis d’écoulement : aujourd’hui les volumes de l’hémisphère Sud ne sont pas supérieurs à l’an dernier. Quant aux prévisions de récolte sur l’hémisphère Nord, la France, l’Italie et l’Espagne annoncent entre – 12 et – 20 %. Il y a eu de forts gels. Mis à part la vallée du Rhône Nord, la plupart des régions n’ont pas été épargnées. La France pourrait passer de 43 millions d’hectolitres à 37 millions… Sur notre région, il y a des chances que la production tourne autour des 11 à 11,2 millions d’hectolitres. Comment peut-on imaginer dans ce contexte que la demande ne soit pas au rendez-vous et que les prix ne se maintiennent pas ? Les opérateurs sont obligés de passer aux achats s’ils veulent maintenir leurs parts de marché. Cette situation est porteuse d’espoir. Notre notoriété de grand rapport qualité/prix est acquise. Mais nous souffrons sur ces volumes
commercialisés en vrac d’une sous-capacité commerciale.
Il faut profiter de cette production plutôt faible cette année pour réinvestir le marché du vrac avec un partenariat amont-aval pour des cibles sur le grand export. Soyons matures, pour définitivement augmenter notre capacité commerciale.

Vous pensez que c’est le bon moment ?
Je pense même que c’est le dernier moment.

IGP Terres du Midi : “Je demande à certaines personnes qui ont piloté la filière, d’avoir la sagesse d’écouter ceux qui la font vivre aujourd’hui”

Quid de l’IGP Terres du Midi ? On sait qu’elle ne sera pas en place avant, au mieux, 2018, et qu’il y a des obstacles…(2)
C’est un vrai travail concerté de réflexion entre tous les acteurs de la filière qui a permis de faire émerger ce projet. Faire en sorte que nos IGP de départements s’assemblent pour créer une offre pertinente, pour bien repositionner la totalité de la segmentation régionale… Cela a du sens. Alors-même que l’on a su avancer assez vite, que beaucoup d’efforts ont été faits et qu’il existe une volonté de l’administration de nous accompagner dans le cadre réglementaire pour aboutir au plus vite, ce qui me dérange aujourd’hui, c’est que l’on sent poindre, notamment côté gardois, des obstacles. Je parle de quelques personnes qui ont apporté leur expérience et piloté la filière. Je demande à ces personnes d’avoir la sagesse d’écouter ceux qui la font vivre aujourd’hui. On doit construire la performance de ce qui sera demain la filière régionale. Si on perd du temps, on perdra ces marchés.

Propos recueillis par Fanny Linares

 

(1) Interview réalisée jeudi 24 août.
(2) Lire à ce sujet notre article page 5.

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