Forages : six mois pour se mettre en règle

Le préfet des Pyrénées-Orientales a lancé la campagne de régularisation des forages, le 7 janvier. Objectif : convaincre les agriculteurs notamment de l’utilité de déclarer… Avant de passer aux mesures cœrcitives.

Pour évoquer la régularisation des forages, sujet hautement sensible, le préfet a choisi une démonstration par l’exemple, en convoquant une conférence de presse dans les locaux d’Ille Roussillon, à Thuir. Pierre Battle (Les Vergers d’Ille Roussillon) a en effet déboursé quelque 50 000 € en coûts d’études (hors redevance) pour régulariser ses forages. Une somme conséquente bien que proportionnée à la taille de l’exploitation. Mais pour les exploitants qui vont déclarer dès à présent leurs forages, “des regroupements pourront être réalisés par secteurs, afin de faire baisser les coûts d’études” souligne le DDTM Philippe Junquet. Voilà pour le premier point d’un argumentaire ficelé pour inciter à la régularisation.

“Ceux qui ne se feront pas connaître ne prendront pas part au partage de la ressource !”

Le second point, c’est celui du moyen et long terme : “Pour nous, les objectifs de cette campagne de régularisation sont la connaissance des ressources et des prélèvements, en particulier dans le pliocène, afin d’établir des règles de répartition et de gestion durable. Ceux qui ne se feront pas connaître ne prendront pas part au partage de la ressource !” précise le DDTM. Oui mais, s’il peuvent, techniquement, continuer à pomper en toute discrétion, quel intérêt à déclarer ? “D’une part, éviter des sanctions en cas de contrôle”. Les montants de ces amendes étant “variables et proportionnées selon les situations, l’ampleur du prélèvement, la taille de l’entreprise… Le juge administratif a une grande latitude.” Contrôles qui se dérouleront à compter de juillet. Mais “il s’agit aussi de sécuriser l’exploitation dans le temps et de lui apporter de la valeur, notamment en cas de vente.”

“On va remettre en cause des siècles d’habitudes”

Pour les agriculteurs, la question du partage reste épidermique. “On va remettre en cause des siècles d’habitudes” souligne le vice-président en charge de l’eau à la Chambre d’agriculture Claude Jorda. “Nous aiderons les agriculteurs à régulariser, nous transmettrons les dossiers… Mais cela, avec l’aval écrit de l’agriculteur. Nous ne déclarerons pas à leur place ! À chacun de prendre ses responsabilités” précise-t-il. Pour le préfet, “l’aspect cœrcitif existe mais il s’agit surtout d’une démarche de sensibilisation. Je suis disposé à étudier tout dossier de retenue collinaire. Mais il faut se défaire de l’idée que l’on va trouver des ressources et que ce n’est donc pas la peine de se préoccuper des captages. C’est un raisonnement qui ignore toute l’acuité et la rapidité de la pénurie qui nous guette.”
“Pour la première fois, le préfet a dû prendre un arrêté sécheresse en janvier… Nous sommes à 56 % de déficit pluviométrique” souligne le président délégué du Syndicat des Nappes, Nicolas Garcia. “Il nous faut 20 M de m³ supplémentaires pour 2050. On peut prélever 5 M dans le karst des Corbières, 5 M dans le quaternaire, 5 M dans le lac de Villeneuve de la Raho, et 3 à 5 M d’économie sur les réseaux. On a la capacité de créer les structures pour ne pas faire appel au tuyau du Rhône ou à la désalinisation.”

“L’assurance d’un meilleur partage de l’eau, y compris pour les agriculteurs”

Pour Nicolas Garcia, une meilleure gestion de la ressource “sera aussi l’assurance d’un meilleur partage de l’eau, y compris pour les agriculteurs qui en auront besoin demain.” Cette conférence de presse a été l’occasion, pour les agriculteurs, de faire part au préfet de plusieurs interrogations. “Suite à cette régularisation, nous payons une taxe à l’Agence de l’eau”, explique Jean-Yves Deprade, responsable des vergers d’Ille Roussillon. “Mais nous payons aussi celle de l’ASA, qui elle-même est taxée par l’Agence de l’eau. On se retrouve avec deux taxes !”.

“Les agriculteurs attendent un signe fort concernant les autres utilisateurs”

Pierre Battle a profité de l’occasion pour rappeler au préfet “l’inquiétude la profession quant à la gestion du partage de la ressource. Parce que nous avons des entreprises, nous devons déclarer les forages. Les agriculteurs attendent un signe fort concernant les autres utilisateurs, pour qu’ils entrent aussi dans la démarche. À mon avis, on sous-estime très fortement l’impact de la consommation des particuliers. Tout récemment, j’ai vu deux foreuses travailler en même temps sur un nouveau lotissement. On sait qui fore et qui vend des pompes dans le département”. Le Préfet n’a pas répondu précisément sur ce point mais a indiqué avoir déjà différé des autorisations d’urbanisation sur certaines communes, estimant que “la ressource en eau n’était pas suffisante pour permettre de nouvelles constructions.”

Fanny Linares

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