Fitou : hommage à Jean Daurat [par Yann Kerveno]

La disparition, début février, de Jean Daurat laisse un grand vide à Fitou. Mais aujourd’hui, l’heure est à faire fructifier l’immense travail qu’il a consacré à l’appellation.

IL y a des disparitions dont on met plus de temps que d’autres à se remettre. Celle de Jean Daurat, ancien président de l’appellation Fitou, est probablement de celle-là. Le syndicat du cru a tenu à lui rendre hommage, en dépit du contexte Covid. Décédé au début du mois de février, Jean Daurat avait tenu les rênes du syndicat de 2011 à l’été 2020, jusqu’à ce que la maladie ait raison de sa volonté. Son successeur, Alain Gleyze, vigneron à La Palme et coopérateur à Cap Leucate, loue le travail de Jean Daurat. “Il a été quelqu’un de très important pour l’appellation Fitou et ce qui est choquant pour nous c’est que c’est le premier président de notre histoire à décéder.” Trésorier du cru, Jean-Marie Fabre tente une synthèse : “Par sa personnalité, sa réputation de vigneron, la réputation de son domaine du château de Nouvelles, par l’implication de sa famille depuis la création du cru en 1948, il a été l’homme avec la légitimité incontestée dont l’appellation avait besoin alors que nous traversions une intense période de turbulences et de déchirements. Il laissera une trace indélébile dans l’appellation.” Ils rentrent ensuite tous deux dans les détails de cette présidence, neuf années compliquées qui lui auront permis de mener à bien deux tâches ardues en diable. La première fut de ramener la paix dans l’aire d’appellation, d’apaiser les tensions, de gommer les inimités. Bref, ramener le cœur des hommes à la raison.

“Un homme direct”

“Il fallait quelqu’un qui fasse consensus pour parvenir ce tour de force” explique Jean-Marie Fabre, “c’était son cas, c’était un homme direct, mais toujours à l’écoute des autres dans les deux familles de la coopération ou des indépendants, dans les deux zones de l’appellation, celle de l’intérieur et celle de la mer.” Une fois la paix revenue, il s’est attelé à un autre chantier, la redéfinition de l’aire de l’appellation pour que Fitou, en collant à l’aire des Corbières, puisse reprendre sa place en haut de la pyramide de valeur. Une boîte de pandore en puissance qui nécessite un sens diplomatique particulier. “Il y avait des vignerons qui perdaient l’appellation sur une partie de leurs vignes, il a fallu expliquer, convaincre, trouver des solutions, des aménagements” souligne Alain Gleyze. De fait, l’appellation a maigri au long de ce travail de quatre ans, passant de 2 700 à 1 800 hectares, sacrifiant au passage une centaine d’hectares toujours en production. “C’est un travail colossal que de redéfinir l’aire d’une appellation, personne d’autre ne l’a fait dans la région. Mais il est parvenu à boucler ce chantier et c’est à nous maintenant de faire fructifier ce travail.” Et le premier de ces nouveaux chantiers consiste à redéfinir l’identité de Fitou, lui donner un coup de jeune. “Fitou est comme une belle endormie, nous nous sommes donnés comme ambition de la réveiller” résume le nouveau président.

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