Et la santé surtout !

On n’y a pas échappé. C’est le temps des vœux, cette tradition séculaire à laquelle 2021 n’a pas failli.
On estime – rappelons que les vœux de Nouvel An peuvent être échangés jusqu’à la fin du mois de janvier (Manuel du savoir vivre) – que le nombre de cartes de vœux envoyées pulvérisera tous les records en cette année (en comptabilisant les “e.cards”). Conséquence de la pandémie et des restrictions des libertés de circulation et de regroupement, les vœux ont surtout été présentés “en distanciel”.
Au “bonne année, bonne sant锓et la main sur le porte monnaie” qu’ajoutaient les enfants en chuchotant, a succédé le “Et la santé surtout !”, lourd de nos angoisses existentielles du moment. Certains, qu’on n’attendait pas, ont adressé leur message par sms ou par mail, espérant que les coordonnées soient toujours bonnes, et histoire de vérifier, en tâtant le terrain délicatement : “est-il/elle contaminé.e ?”. “Estoy vivo !” répondent les espagnol.e.s, “Sono vivo !” renchérissent les italien.ne.s, à l’optimisme indéfectible et au fatalisme joyeux. “Pfffff, m’en parlez pas, on fait ce qu’on peut” répondent les plus réservés d’entre nous quand d’autres se lancent dans des diatribes contre l’État, les jeunes inconscients, les complots, et pour finir “Et vous/toi, ça va ? La santé surtout, hein !”.
Alors, qui dit vœux de nouvel an, dit bilan de l’an fini : une “annus horribilis” pour plagier Elizabeth II, Queen Mum pour les intimes, qui a ainsi qualifié l’année 1992 et n’a pas réitéré pour 2020 mais s’est fait vacciner. Que retient-on de 2020 ? En vrac, les pangolins, ces Chinois qui mangent n’importe quoi, les gestes barrière, le télétravail, le chômage partiel, le coronavirus qu’on ne prend au sérieux que depuis qu’on l’a rebaptisé Covid, le confinement, le déconfinement, le confinement et le déconfinement à nouveau, le couvre feu, le nombre d’éminents professeurs de médecine, chefs ou directeurs de centres d’épidémiologie, aux avis autant péremptoires que contradictoires, les mensonges et hésitations anxiogènes du gouvernement… Les incendies ravageant l’Australie, les cataclysmes naturels, les guerres et conflits armés, les insurrections et émeutes réprimées dans le sang, la misère et la faim qui n’ont cessé d’endeuiller le monde, sont passés aux oubliettes de nos esprits rétrécis.

Mes vœux

Réduit au simple fait de vivre, cette “vie nue” à la merci d’autocrates paniqués, notre esprit ne peut plus concevoir que ça. Nos vies contraintes et nos réflexions entièrement centrées sur la question de notre survie et ce, qu’on s’en défende en maugréant ou qu’on s’y plie complaisamment, ont été entièrement “reformatées” comme un vulgaire disque dur, par un virus qui opère tel un “Cheval de Troie” informatique. Au point qu’on s’étonne presque à l’annonce du décès d’une personnalité médiatique – comme celui, très récent, du journaliste Georges Pernoud, créateur et présentateur de “Thalassa” – que ce ne soit pas à cause de la Covid : on pourrait donc mourir d’autre chose ?
Sorte de paravent dissimulant notre mortalité et notre vulnérabilité naturelles, la/le Covid est devenu.e notre Mistigri, le jeu consistant à concentrer tous ses efforts pour ne pas en prendre la carte. C’est tout. Nous y avons d’ailleurs été préparés depuis des décennies par toutes ces politiques publiques nous exhortant à ne pas manger salé, ni sucré, ni trop gras, mais un peu de gras quand même, pas de farineux, pas d’alcool, pas de viandes en sauce mais pas que des grillades non plus, cinq fruits et légumes quotidiens en guise de “pater” à la sortie du confessionnal… Bref, si nous mourons c’est parce que nous l’avons bien voulu, parce que nous n’avons pas été “responsables”.
Triste vie que celle de se racornir comme une vieille peau de chagrin (mais en bonne santé) ! Alors pour cette année 2021, vous me permettrez de souhaiter autre chose : de la poésie, du bonheur, de l’amour, des découvertes même si elles ne sont qu’imaginaires. Retrouver le pouvoir de rêver, celui de changer le monde et le sens du partage.

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