Croire ou ne pas croire ? Qui croire d’ailleurs ? Et à quoi ? [par Gilles Tibié]

En cette période électorale, ne croyant plus à grand-chose, ni à grand monde (comme beaucoup de Français je n’ai eu ni le courage, ni l’envie de me remuer les méninges cette semaine. Autant dire que je l’ai joué “petit bras” car le texte qui suit reprend ex abrupto l’article “Quand la France s’ennuie” de Pierre Viansson-Ponté paru dans les colonnes du “Monde”… du 15 mars 1968. (sic)

“Ce qui caractérise actuellement notre vie publique, c’est l’ennui. Les Français s’ennuient. Ils ne participent ni de près ni de loin aux grandes convulsions qui secouent le monde, la guerre du Vietnam les émeut, certes, mais elle ne les touche pas vraiment. Invités à réunir « un milliard pour le Vietnam », 20 francs par tête, 33 francs par adulte, ils sont, après plus d’un an de collectes, bien loin du compte. D’ailleurs, à l’exception de quelques engagés d’un côté ou de l’autre, tous, du premier d’entre eux au dernier, voient cette guerre avec les mêmes yeux, ou à peu près. Le conflit du Moyen-Orient a provoqué une petite fièvre au début de l’été dernier : la chevauchée héroïque remuait des réactions viscérales, des sentiments et des opinions ; en six jours, l’accès était terminé. Les guérillas d’Amérique latine et l’effervescence cubaine ont été, un temps, à la mode ; elles ne sont plus guère qu’un sujet de travaux pratiques pour sociologues de gauche et l’objet de motions pour intellectuels. Cinq cent mille morts peut-être en Indonésie, cinquante mille tués au Biafra, un coup d’État en Grèce, les expulsions du Kenya, l’apartheid Sud-africain, les tensions en Inde : ce n’est guère que la monnaie quotidienne de l’information. La crise des partis communistes et la révolution culturelle chinoise semblent équilibrer le malaise noir aux États-Unis et les difficultés anglaises.
De toute façon, ce sont leurs affaires, pas les nôtres. Rien de tout cela ne nous atteint directement : d’ailleurs la télévision nous répète au moins trois fois chaque soir que la France est en paix pour la première fois depuis bientôt trente ans et qu’elle n’est ni impliquée ni concernée nulle part dans le monde. La jeunesse s’ennuie. Les étudiants manifestent, bougent, se battent en Espagne, en Italie, en Belgique, en Algérie, au Japon, en Amérique, en Egypte, en Allemagne, en Pologne même. Ils ont l’impression qu’ils ont des conquêtes à entreprendre, une protestation à faire entendre, au moins un sentiment de l’absurde à opposer à l’absurdité, les étudiants français se préoccupent de savoir si les filles de Nanterre et d’Antony pourront accéder librement aux chambres des garçons, conception malgré tout limitée des droits de l’homme. Quant aux jeunes ouvriers, ils cherchent du travail et n’en trouvent pas. Les empoignades, les homélies et les apostrophes des hommes politiques de tout bord paraissent à tous ces jeunes, au mieux plutôt comiques, au pire tout à fait inutiles, presque toujours incompréhensibles. Heureusement, la télévision est là pour détourner l’attention vers les vrais problèmes…” (fin de citation).

J’ai la vague impression qu’en pleine campagne pour les élections départementales et régionales, les électrices et les électeurs, dans leur grande majorité, n’y croient plus. À force de voir Monsieur Glandu et Madame Michu jouer à la mouche du coche au gré de leurs intérêts personnels… Je ne sais si la France s’ennuie toujours… En tout cas elle est désabusée… Jusqu’à gronder ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *