Cascastel : des clubs pour être plus agile (par Yann Kerveno)

La cave de Cascastel, dans les Corbières, forme des clubs pour aider les vignerons à progresser dans leurs pratiques et faire évoluer ses gammes.

Ici, la vigne bataille fermement depuis des décennies avec la garrigue, la pluie est souvent un fantasme, devient fantasque quand elle fait grossir en quelques dizaines de minutes des ruisseaux qu’on croirait secs depuis l’aube des temps. C’est dans ce terroir sans grande tendresse que les Maîtres Vignerons de Cascastel innovent, inventent, pour permettre à leur cave et leur métier de perdurer en créant notamment des clubs de vignerons. “La cave était en bonne santé économique, donc nous avons pu impulser un nouvel élan à la recherche de la qualité, à la fois en vinification mais aussi à la vigne” détaille Atmann Afannis, directeur de l’entreprise. Première action pour monter en gamme, la révision de la politique de rémunération passée par l’application d’un coefficient sanctionnant, en premier, la qualité des vignes puis, à la suite d’une dégustation à l’aveugle, deux nouveaux paliers pour les niveaux bon et excellent qui majorent la rémunération des producteurs. “Ici nous avons des petits rendements, alors nous n’avons pas vraiment d’autres choix que de faire de la qualité” explique Max Saury, président de la cave.
Revenir aux fondamentaux
Au-delà de la rémunération, une commission vignoble a été créée incluant des vignerons et des membres de l’équipe technique de la cave, pour accentuer les échanges, partager les objectifs. Puis sont nés les clubs vignerons, cette nouvelle ossature qui irrigue aujourd’hui le projet coopératif des vignerons de Cascastel. “Depuis bientôt 10 ans, nous nous sommes engagés dans un programme de sélection parcellaire autour de l’idée que, finalement, nous ne sommes rien d’autre qu’une grosse cave particulière. De là, nous avons créé les clubs pour accompagner la montée en gamme de nos cuvées et diffuser également de nouvelles préoccupations environnementales. C’est un outil qui permet au vigneron de se sentir vraiment partie prenante.” Avec en filigrane cette ambition souterraine de revenir à la vocation initiale du mouvement coopératif viticole, lorsque les coopératives étaient des coopératives de vinification et que les vignerons puissent se défaire du strict costume de fournisseurs de raisin, de matière première. Aujourd’hui, une dizaine de clubs sont actifs au sein de la cave. Un club peut rassembler deux ou trente vignerons, porter sur la vigne, c’est leur principale vocation, ou sur d’autres sujets plus transversaux.
Club lézard
Le club le plus important à ce jour est celui qui se consacre à la préservation du lézard ocelé, un (très beau) reptile menacé qui trouve dans les vignes et leurs murettes de pierres sèches, un terrain idéal pour prospérer. Lézard qui a trouvé 35 vignerons pour se mobiliser au sein du club et le protéger. “Cela passe par l’entretien ou la reconstruction des murettes mais aussi par des modifications de pratique de désherbage chimique par exemple et le travail avec les spécialistes lorsqu’ils viennent sur le terrain” précise le directeur de la cave. Un autre club travaille une cuvée “zéro résidu”. Steve Vallin et Philippe Pla forment, eux, un club à deux, autour d’une sélection parcellaire. Steve a 31 ans et exploite 12,5 hectares, quasiment tout en Fitou et avec 2,5 hectares de grenaches gris. Il est installé depuis cinq ans, son compère Philippe a, lui, 58 ans, exploite également 12,5 ha dont l’essentiel est en Fitou complété par 50 ares de muscats. “Nous avions des affinités, nous travaillons souvent ensemble, on se donnait la main pour les plantations, la taille. En plus, nous étions déjà membres du « club schiste » qui rassemble huit vignerons” raconte Steve. “Lorsque la cave nous a proposé de faire cette cuvée ensemble, nous n’avons pas hésité.” Les deux “associés” ont réalisé leur première vendange commune en 2019, le tout appuyé par les techniciens de la cave. “Ils sont passés, nous avons regardé les parcelles et avons même écarté une partie trop riche en rendement” poursuit Steve. Ce n’est qu’une fois le top départ donné par les techniciens de la cave que la vendange des parcelles a pu débuter. Et le travail ne s’arrête pas là : “C’est moi qui procède au décuvage, nous avons goûté les jus de raisins, on s’intéresse. Cette cuvée, c’est un peu notre bébé, ce n’est pas comme vider la benne et dire salut à l’année prochaine !”
Faire progresser le cœur de gamme
Si la cuvée de Steve et Philippe, “Picotioul”, du nom du lieu où sont implantées les parcelles, est à la hauteur des attentes au bout de dégustations, les 250 hl qui la composent connaîtront une vie “commerciale” avec un nom qui leur sera propre. “Nous avons un an d’élevage minimum dans le cahier des charges de Fitou et ce sont des vins de garde de toute façon, alors on a le temps de voir venir et de créer la marque et son univers si nécessaire” ajoute Atmann Afanniss. Mais tous ces mouvements, ils sont nombreux à Cascastel, ont une vocation : permettre à la cave de faire baisser la part du générique dans ses volumes, faire progresser le cœur de gamme, mieux impliquer et intégrer les vignerons dans l’élaboration des vins tout en conduisant l’ensemble vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement.

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