Biologie des sols : “montre-moi ton slip, je te dirai comment tu vas” [par Yann Kerveno]

La santé du sol est primordiale et le principal moteur en est la teneur en matière organique.

L’information avait fait sourire sur les réseaux sociaux quand, dans plusieurs régions de France, des slips furent enterrés pour jauger de la vie biologique des sols. Loin d’être anecdotique, cette opération était surtout pédagogique et a permis aux agriculteurs de prendre conscience de l’importance de la vie de leurs sols. Surtout après six ou sept décennies d’usages intensifs…
La coopérative Arterris a donc, elle aussi, enfoui des slips en coton, bio, dans différents terroirs de sa vaste zone d’action. “Dans les Pyrénées-Orientales, nous avons choisi plusieurs producteurs dans les différents terroirs et filières, vigne, maraîchage et arbo. Nous avons enterré les slips, puis sommes alles les relever trois mois plus tard pour voir l’état dans lequel ils étaient. Les résultats sont assez simples à interpréter” explique Philippe Pérez, d’Arterris. Et la palette assez étendue, allant du slip intact au slip très endommagé. “Si le slip est intact ou peu dégradé, c’est mauvais signe. Cela signifie qu’il y a peu de vie dans les sols, qu’ils sont très peu chargés en matière organique qui est le terreau de cette vie biologique.” Alors, évidemment, tous les sols ne disposent pas au départ du même capital en matière organique. Cela dépend de leur composition, de leur nature. “Assez logiquement, les tissus ont globalement été beaucoup dégradés dans les sols des vergers. C’est un peu logique, les terres sont plus profondes et la pratique de l’enherbement y est ancienne. Dans les vignes par contre, globalement, les tissus étaient moins abîmés.” Et plus le sol est pauvre moins il “donne”. L’absence de vie lui donnera tendance à se compacter plus fortement, il perdra aussi une bonne partie de sa capacité naturelle à retenir l’eau. S’il est riche, les racines vont aussi pouvoir se développer et “travailler” en quelque sorte le sol.

L’enherbement ? Un challenge

“En dessous d’un point de matière organique, le sol ne fonctionne plus, c’est le point où nous sommes dans de nombreuses parcelles aujourd’hui, et on a beau fertiliser cela ne produit plus rien” précise-t-il. “Le recours que nous avons eu à la fertilisation chimique a fait un peu oublier cet aspect fondamental de l’agronomie.” Les sols qui se bloquent, en dessous d’un point, comptent moins de 500 kilos à l’hectare sur un capital de départ d’une dizaine de tonnes… Plusieurs leviers sont disponibles pour corriger ces manques. “Il y a bien sûr, pour aller vite, les apports de matière organique, le développement de l’enherbement ou les modifications de stratégie de travail du sol” explique-t-il encore. “Mais il faut faire attention à plusieurs points. Pour les apports, cela peut-être onéreux en premier lieu et il ne faut pas amener n’importe quoi dans les parcelles mais bien des produits bien compostés, enrichis qui donc peuvent être chers. Dans certains cas de sols très acides, le chaulage peut aider à débloquer la matière organique présente et empêchée de s’exprimer.”
S’il est tentant, l’enherbement permanent reste un challenge dans notre région. “Ce sera toujours quelque chose de difficile à maîtriser mais les herbes, les crucifères, ont une vraie action sur les sols, les racines en améliorent la structure et font souvent mieux d’ailleurs qu’un outil à dents.”

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