Barbara et les volte-face… [par Yann Kerveno]

La vie politique est parfois cruelle qui oblige à avaler des couleuvres dignes du brushing de Gorgone. C’est l’expérience faite cet été par la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, qui a été contrainte d’apposer sa signature à une dérogation d’interdiction d’emploi d’un insecticide de la famille des néonicotinoïdes. Interdiction dont Pompili Barbara, alors députée, s’était gargarisée l’année de la décision en 2016. Que s’est-il donc passé entre-temps ? Un bug, au sens propre du terme, que L’Agri a déjà évoqué il y a quelques semaines : une infestation massive de pucerons, porteurs du virus de la jaunisse, dans les champs de betteraves et la perte d’une partie importante de la production pour certains producteurs. Et ce, dans une filière déjà malmenée économiquement. Que comprend donc la dérogation en cause qui a fait bondir tout ce que le pays connaît d’écologistes ? Une utilisation limitée à la betterave pour laquelle, la ministre l’a reconnu sur twitter, “Face à cette crise, les alternatives aux néonicotinoïdes pour la betterave se sont avérées inefficaces pour l’instant. Les néonicotinoïdes sont donc la seule solution de court terme pour sauver la filière.” Techniquement, la dérogation porte sur l’année 2021, avec une extension possible pour deux années supplémentaires et ne concerne que l’enrobage des semences pour éviter de porter atteinte aux insectes pollinisateurs (même si la betterave est récoltée bien avant la floraison). Et pour ajouter aux précautions, il sera interdit de semer une culture fleurissant l’année suivant la betterave. En parallèle, le gouvernement met 5 M € sur la table pour développer, d’ici trois ans, des alternatives efficaces (sic). Programme qui sera piloté par les deux ministères de la Transition écologique et de l’Agriculture. Les néonicotinoïdes, des insecticides (clothianidine, l’imidaclopride et le thiaméthoxame) de la famille des organophosphorés, ont été interdits par l’Union européenne à la suite de la publication d’une série d’études les impliquant dans les mortalités d’abeilles, en particulier le Gaucho.
https://twitter.com/barbarapompili/status/1292788475016732672?s=20

Et le recul de l’ANSES…
De son côté l’Agence nationale de sécurité sanitaire avait reçu pour mission du gouvernement de conduire une nouvelle évaluation du caractère cancérogène et de la toxicité du glyphosate dans le cadre de la réévaluation globale menée au niveau européen. Réévaluation qui abondera, en 2022, à la prolongation de l’autorisation de mise en marché du célèbre herbicide ou à son interdiction sur l’ensemble du sol européen. Devant la difficulté de la tâche et de l’aveu même de l’Anses, les candidats ne se sont pas bousculés pour répondre à l’appel d’offres de ces nouvelles études et seul un consortium de sept laboratoires coordonnés par l’Institut Pasteur et une autre étude proposée par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) avaient été retenus. Dans un papier à charge, comme toujours quand il s’agit de ce dossier, Le Monde, s’appuyant comme de coutume sur un “collectif de lanceur d’alertes”, des “scientifiques qui souhaitent rester anonymes” dont la parole fut alors relayée par la députée écolo Delphine Batho, avait alors dénoncé la déontologie de l’Anses. Arguant, entre autres, que le patron du consortium, un expert, avait participé à la rédaction du cahier des charges ce qui aurait pu favoriser son propre laboratoire. Mais il n’est alors pas inutile de préciser là qu’un seul consortium avait répondu à la totalité des demandes, comme le signale le Monde… Un mois après la publication du papier et des débats sans fins, l’Anses a décidé de retirer le projet au consortium mené par l’institut Pasteur. Et ne financera que l’étude du CIRC, seule agence sanitaire au monde (au contraire de 26 agences nationales), à avoir classé le glyphosate comme potentiellement cancérogène. Et comme c’est aujourd’hui la mode, on peut donc présumer que la question trouvera vite une réponse !

https://www.anses.fr/fr/content/glyphosate-6
https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/06/16/glyphosate-la-deontologie-de-l-anses-mise-en-cause_6042962_3244.html

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